J35 – De meilleures conditions mais pas encore le Graal

Analyse de Mathieu Morverand, routeur de Rémy et d’Olivier Montiel.

A bord, heureux sont ceux qui parviennent à trouver un vrai sommeil réparateur et à faire de leurs nuits un pur moment de quiétude où l’anxiété du lendemain s’éloigne le temps d’un rêve. Pour ceux-là et pour les autres, il est un moment particulier dans le quotidien des rameurs, lorsqu’il s’agit le matin de s’extirper du havre spartiate mais protecteur de son habitacle pour aller se coller à une nouvelle journée de rames dans un cockpit exposé aux embruns et largement ouvert sur ce monde aussi fascinant qu’inquiétant. Secrètement, on espère alors silencieusement pendant ces quelques minutes trouver dehors de bonnes conditions, celles qui permettront d’aller plus vite et de se rapprocher inexorablement des îles du Salut encore lointaines. Le GPS et éventuellement le compas d’intérieur donnent le ton, confirmant ou infirmant le ressenti aux mouvements du bateau. Parfois, tangage et roulis ne permettent pas de définir dans ce court moment le sens de son déplacement, il faut alors se résoudre à s’équiper et à y aller avec l’espoir que les premiers instants où la peau capte le sens du vent et les embruns de la houle ne soient pas un nouvel océan de déception. Continuer la lecture

J33 – L’arrivée des Alizés au nord

Analyse de Mathieu Morverand, routeur de Rémy et d’Olivier Montiel.

Une telle traversée peut parfois s’apparenter à une course cycliste dans une interminable côte dont on ne verrait jamais la fin. Au détour de chaque virage, on espère trouver le sommet, mais au lieu de cela, c’est l’ascension qui se poursuit encore et toujours sans que l’on puisse en distinguer le terme. L’arrivée des Alizés, c’est un peu le sommet des rameurs, comme le 25ème méridien est un palier, après un mois d’errance dans une mer capricieuse et indécise. D’autres paliers attendent encore les marins comme autant d’étapes à franchir avant d’atteindre les côtes de la Guyane.

Les semaines passées nous avaient appris à être méfiants, à ne croire que nos propres observations et à consulter avec prudence toutes les prévisions disponibles.  Difficile en effet d’annoncer à nos skippers l’imminence d’une bonne nouvelle qui en fait n’arrive jamais en raison d’évolutions climatiques légèrement divergentes des prévisions annoncées. Ces points de détail à terre deviennent des calvaires pour les rameurs confrontés à des espoirs déçus. Continuer la lecture

J32 – Des journées qui s’enchaînent et ne se ressemblent pas

Analyse de Mathieu Morverand, routeur de Rémy et d’Olivier Montiel.

Comme à chacune de ses vacations, Matthieu à bord de « Lilo Solitaire – Solidaire » résume parfaitement bien le ressenti d’un rameur solitaire au milieu de l’Atlantique. Chacun vit bien entendu son aventure avec sa propre sensibilité mais l’ambiance du Large est la même pour tout le monde, certes plus ou moins favorable, certes plus ou moins calme ou chahutée, mais avec des journées qui s’enchaînent et qui ne se ressemblent pas. De l’extérieur, on pourrait croire que l’océan reste figé, toujours le même, n’inspirant rien d’autre que l’ennui et la lassitude. Il n’en est rien, le ciel et la mer enfantent chaque jour un monde différent, où chaque détail a son importance, la forme et le type des nuages, annonciateurs de vents ou de pluie, la couleur de la mer et le profil des vagues précédant la houle ou le clapot, la lumière omniprésente et jamais semblable. L’intensité de cet univers profondément imprévisible empêche aux marins toutes formes de spleen ou de mélancolie, il s’impose même aux esprits les plus hermétiques. Continuer la lecture

J31 – Un mois de mer et un tiers de la traversée

Analyse de Mathieu Morverand, routeur de Rémy et d’Olivier Montiel.

Les images du départ depuis la plage de Hann Bel Air à Dakar paraissent si loin à présent (voir quelques photos). Le sable chaud, la mer clémente à peine ridée par un léger souffle, les accolades entre les skippers et leurs proches, l’ambiance du départ avec ses espoirs d’envolée vers le Large à la faveur de vents d’Est forts et francs…

Il en fut autrement et l’aventure n’en a été que plus belle, certes dure pour les nerfs et pour les corps, sans compassion aucune pour le sort de nos courageux rameurs, mais intense et exigeante à l’image de défi hors normes. Non seulement, ils n’ont pas cédé face à cette adversité tenace, mais cette épreuve les a aussi renforcés dans leur détermination à réussir. Il fallut bien parfois toute la conviction de Michel lors des vacations ou le son de la voix des proches pour retrouver le moral et ne pas s’abandonner à la renonciation alors que l’océan tout entier semblait vouloir s’opposer aux marins. 10 jours, par un de moins, perdus à louvoyer devant les côtes du Sénégal, de la Casamance ou de la Gambie, avec ce risque réel de revenir à la côte. Plusieurs skippers durent même s’ancrer au plateau continental pour résister à ces vents d’ouest très précisément localisés sur la zone du départ. Continuer la lecture

J30 – L’alternance avant les Alizés

Analyse de Mathieu Morverand, routeur de Rémy et d’Olivier Montiel.

Après une trentième journée de course rongée par l’ennui et l’immobilisme, les rameurs ont retrouvé le sourire aujourd’hui en renouant avec des vitesses satisfaisantes. La meilleure pointe est féminine avec un très honorable 3 nœuds au compteur relevé pour Salomé à 18 h au cap 279° (Ouest). C’est aussi Salomé qui occupe la position la plus au nord de la flottille et la plus proche de l’orthodromie. Les vents établis au 50° (Est / Nord-Est) étaient plus forts aujourd’hui au nord de la zone, ce qui expliquerait ces vitesses plus élevées. Cette hypothèse paraît confirmée par les vitesses de ses voisins les plus immédiats, dans un rayon de 60 milles, qui naviguaient tous à la même heure à plus de 2 nœuds.

Positions des skippers, vents et précipitations au 17 novembre

Positions des skippers, vents et précipitations au 17 novembre

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J29 – Une mer en vrac

Analyse de Mathieu Morverand, routeur de Rémy et d’Olivier Montiel.

Au 29ème jour de course, difficile d’ignorer le brutal ralentissement qui affecte le plan d’eau depuis une quinzaine d’heures environ. Des vents et des courants faibles associés à une mer en vrac rendent la progression difficile et donnent aux rameurs l’impression de planter leurs avirons dans du béton tant l’eau leur semble dure. Cette situation va-t-elle durer ? Les indicateurs dont nous disposons sont plutôt optimistes pour la période à venir mais nos marins savent dorénavant mieux que quiconque qu’une telle aventure océanique n’a rien d’un long fleuve tranquille, qu’il n’y a pas d’autres choix que celui d’accepter les conditions telles qu’elles s’imposent à eux là où ils se trouvent.

A bord de ce type d’embarcation, le dos rond reste la meilleure répartie que l’on puisse opposer aux éléments pour traverser une zone de contrariétés. La vitesse du bateau exclut toute possibilité de s’extirper d’un mauvais pas même en disposant de la capacité technologique de le voir arriver. Néanmoins, si l’on porte notre regard un peu plus loin, on constate (carte ci-dessous) que du nord au sud de l’Atlantique, nos rameurs se trouvent dans la seule zone de quiétude, juste au-dessus de l’Equateur. Continuer la lecture

J28 – Des choses toutes simples dans la tête

Analyse de Mathieu Morverand, routeur de Rémy et d’Olivier Montiel.

Comme Olivier Bernard, Rémy Landier (n°84) et Olivier Montiel (n°7) sont confrontés à quelques difficultés matérielles. Si le premier rencontre un problème de charge insuffisante de ses batteries qui risque de le contraindre à produire son eau douce de façon manuelle, le second connaît un souci désagréable de perte de qualité de réception de son téléphone satellite sans en connaître la cause. Cette situation l’empêche de recevoir clairement les informations météo ou de tenir des vacations intelligibles. Même si cette défaillance que l’on espère momentanée ne compromet pas le déroulement de sa traversée, cela constitue une tracasserie supplémentaire à gérer. De son côté, Olivier Montiel a brillamment résolu sa panne électrique par une réparation de fortune mais il semble à présent qu’il ait des ennuis pour recevoir ses messages.

A l’arrière de la course, les jours ne se ressemblent plus et la mer est enfin devenue conciliante. Cette analyse réjouissante est celle de Gérard Marie qui atteste là de son entrée effective dans ce grand flux qui le conduira comme tous les autres vers la Guyane. A la force d’une détermination qui force l’admiration, il a fini par y arriver à son tour. Toute la flottille est désormais libérée des côtes africaines et fermement engagée dans la traversée au large portée par les Alizés ou en tout cas ce qui y ressemble de plus en plus. Continuer la lecture

J27 – Mc Gyver des océans

Analyse de Mathieu Morverand, routeur de Rémy et d’Olivier Montiel.

L’affaire n’était pas gagnée pour Olivier Montiel et le risque grand de perdre le téléphone satellite grâce auquel il peut recevoir les infos météo et communiquer avec la Terre. Sous l’action conjuguée des mouvements du bateau, de l’air marin et de l’humidité permanente, le câble d’alimentation s’était progressivement détérioré jusqu’à ne plus fonctionner ces jours derniers. Si les marins sont très méticuleux avant le départ, il ne pensent pas pour autant à doubler tous les accessoires et notamment les câbles d’alimentation de leurs appareils électroniques. Mais même au milieu de l’océan, Olivier a su faire preuve d’ingéniosité. Avec les conseils de son ami Philippe, il a réussi à bricoler un branchement digne de Mc Gyver avec simplement quelques cosses et son réchaud à gaz…

Séance bricolage pour Olivier Montiel

Séance bricolage pour Olivier Montiel

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J26 – Le dilemme du Nord ou du Sud

Analyse de Mathieu Morverand, routeur de Rémy et d’Olivier Montiel.

Photo d'Olivier Montiel prise par un avion de la Marine Nationale

Photo d’Olivier Montiel prise par un avion de la Marine Nationale

Rémy Landier (n°84) et Olivier Montiel (n°7) ont choisi la route du nord en adoptant un cap au 260° vers l’Ouest-Sud-Ouest. Tandis que Rémy semble avoir adopté son rythme de croisière en augmentant chaque jour un peu plus sa vitesse moyenne, Olivier est confronté de son côté à quelques douleurs dorsales et scapulaires persistantes qui l’empêchent de se tenir aux avirons aussi longtemps qu’il le souhaiterait. Grace aux conseils prodigués depuis la terre, il se soigne et espère très prochainement repartir et reprendre son retard. En attendant, il profite pleinement de son expérience et savoure l’immense quiétude que lui confère cet isolement solitaire au milieu de l’océan. Continuer la lecture

J25 – Un contexte météo presque figé

Analyse de Mathieu Morverand, routeur de Rémy et d’Olivier Montiel.

Lors des dernières 24 h, les rameurs ont gagné vers l’ouest entre 42 minutes pour les plus au large et 28 minutes au milieu et à l’arrière de la flottille, soit un écart de 14 minutes ou près de 13 milles à cette latitude (environ 24 km). On peut pour partie attribuer cette différence significative aux positions respectives des rameurs. Les plus au nord-ouest bénéficient des vents les plus établis et les mieux orientés comme en attestent la carte ci-dessous.

Positions des skippers, vents et précipitations au 12 novembre

Positions des skippers, vents et précipitations au 12 novembre

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